Lorsque je m’auto-cambriole

Rappel des épisodes précédents :

 

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Ceci est un rat-pelle

 

 

L'épisode se situe aux alentours de l'an 2006 après Jésus-Christ (superstar). Dans la banlieue ouest de Lutèce, existe une ville qui résiste encore et toujours à la baisse des loyers. C'est là qu'habitait notre héroïne (enfin la mienne surtout) en ce matin d'octobre où elle fut obligée de s'auto-cambrioler.

Moi donc.

Tentant plus ou moins vainement de me remettre des émotions qui se sont vues remuées lors de l'écriture de l'épisode Tatin, je me levai un matin avec la sensation bizarre que grandir et payer des impôts n'altérait en rien la douleur des traumatismes enfantins. 

(Verser une larme ICI) 

C'EST POURQUOI :

Je mis mon café en route en me rongeant un ongle de dépit, et constatant que de pain je n’avais plus, je pris mon courage à deux mains pour me rendre à la boulange la plus proche (parce qu’aller à la boulange la plus éloignée eut été un minable non-sens).

Or la tête pleine de réminiscences aléatoires et de questionnements surmontés d’une casquette parce que j’étais vraiment coiffée comme l’as de pique, je considérai sans m’en rendre compte que mon courage prenait trop de place dans mes mains pour y fourrer mes clés de chez moi.

Ainsi sortis-je, et fermai-je la porte, comme ça, pouf et scrichhhh (ça c’est le frottement contre la moquette).

Lorsque plongeant, dans un accès de lucidité horrifié, ma main dans la poche de mon jogging tout pas beau je réalisai que j’étais bel et bien à la porte de chez moi. Et qu’à part mon gros félin inutile, personne à l’intérieur pour m’y permettre d’y entrer.

C'est ainsi qu'à peine quelques heures après avoir narré les longues heures passées au coin une assiette de lentilles à la main et une larme au coin de l'oeil, me retrouvai-je au palier de ma vie la larme à l’œil et l’estomac en friche…

Notons au passage que le double de mes clés, habituellement protégé par les parois épaisses d’un tiroir de chez ma sœur, était pour une fois à l’intérieur de l’appartement clos, à côté de leurs jumelles maudites, tout ça parce que je suis une conasse procrastinante.

Il ne m’est venu qu’une idée à l’esprit. Après avoir checké rapidement les possibilités de passage offertes par le petit bout de béton qui sépare mon balcon de celui de mon voisin, je pensai alors m’y rendre, risquer ma vie et enfin, par la fenêtre que je laisse toujours ouverte par temps chaud, réintégrer la douilletude de mon nid d’amour ni d’eau fraîche (bravo, applause, clap clap).

Priant pour que le voisin fut présent je sonnai effrontément, et respirai aussitôt dès que j’entendis sa voix prononcer le : « kesseusséééééé » de rigueur.

« Votre voisine !!!!! » m’époumonai-je alors pleine d’entrain.

Je vous passe l’hésitation gênée facilement perceptible de celui qui est vraisemblablement sur le gogue au moment où ça sonne à la porte.

Je vous passe également les divers bruits de chasse, de remontage de pantalon express, de coiffage rapide (si si je pourrais le parier) et la porte s’ouvrit devant mon minuscule voisin cramoisi qui me dit qu’il s’y attendait (j’aimerais bien savoir d’où).

Nous arrivâmes sur son balcon à lui, séparé comme je vous disais par un petit bout de béton de mon mien à moi, très encombré quand même à vue de nez…

Gentiment, il me proposa de passer lui-même le difficile obstacle et sans me laisser le temps de répliquer, il se mit à grimper, pieds nus en ne cessant de marmonner qu’il savait que ça arriverait (je me demandai alors s’il ne s’était pas déjà entraîné à grimper pour aller voir chez moi çui là).

Evidemment, l’immense porte-fenêtre que je laisse bien souvent béante entre mon balcon et mon salon (totalement bordélique, merrrrrrde), était close, loquet à moitié, mais suffisamment relevé pour tuer dans l’œuf toute velléité d’ouverture impromptue.

J’étais donc sur mon balcon, affamée, transpirante, à quelques centimètres de mon lit, des clés et des yeux larmoyants de mon adorable petit chat délaissé qui se demandait pourquoi j’étais là bas.

Enfermée dehors nom d’une pipe.

Jamais de vie de cerveau de Fanny en activité (ce qui signifie uniquement pendant l'année 2006), nous ne vîmes une activité si rapide et si élaborée.

J’ai tout passé en revue : le rapport qualité/prix entre le serrurier et l’éventuelle réparation de la fenêtre que je m’apprêtai à déglinguer d’un coup de chaise, la force de pression du marteau sur la serrure de la grand porte-fenêtre ou sur celle de la cuisine, les possibles désagrément causés par l’absence de fenêtre à l’approche de l’hiver et la possibilité de ne pas rentrer chez moi de la journée, sans mon téléphone qui est posé à côté des clés de la voiture, juste sous le trousseau de l’autre côté de la vitre, près de l’ordinateur et de mon travail qui m’attend.

Mon voisin, qui avait réintégré ses pénates par le petit bout de béton, allait et venait entre chez lui et mon balcon armé d’un annuaire et de son téléphone dans le but (honorable) de procéder à des devis comparatifs.

Soudain, prise d’une frénésie rageuse et d’une putain d’envie de rentrer dans ma maison, je me métamorphosai en Mac Gyver des beaux quartiers, passant en revue tous les objets qui composaient mon balcon, heureusement plus proche de l’entrepôt de Bricorama que du joli jardinet de ma copine Muriel.

L’idée c’était que sur la fenêtre de la cuisine, il devait y avoir une serrure, quelque chose à activer, de même que sur une porte, on peut aisément baisser le loquet à l’aide d’une radio (une radio de l’hôpital pas un poste de radio)… ne me demandez pas comment je le sais.

Je me saisis d’une clé, puis d’un tournevis et enfin d’un bidule étrange servant à dénuder des câbles (sans doute envoyé par des petits anges pour me sauver sinon je vois pas bien ce que ça foutait là).

Le truc se tordit mais je constatai que j’arrivai par la force de la poussée inversée à écarter la fenêtre du support en bois.

A ce moment là de l’histoire, je ne me doutais pas que j’allais être sauvée par une clé à molette.

Ladite clé étant la seule chose suffisamment solide pour résister à la pression, je la passai avec difficulté entre la fenêtre le support et non sans mettre à mal le joint en caoutchouc, poussait (ou tirait, ça dépend d’où on se place) de toutes mes forces en exerçant une pression avec mon épaule.

Le loquet du bas céda.

Pour en revenir au jardinet de ma copine Muriel, ce ne sont pas ses tomates-cerises (délicieuses au demeurant) qui m’auraient fait péter la serrure d’un double vitrage, j’veux dire.

Le loquet du haut s’avéra très peu enthousiasmant.

La fenêtre était collée à son support sans espace, très serré, la pression semblait inutile et le tout, vraiment pas à la portée de ma force pourtant particulière pour une personne de sexe féminin depuis sa naissance.

Mais c’était sans compter sur mon acharnement, encouragée que j’étais par le voisin subjugué, et portée par la perspective que si je réalisai cet exploit, ça me ferait un truc beaucoup plus génial à raconter que « je suis une vieille bique nuageuse et ce con de serrurier m’a coûté la peau du cul ».

La fenêtre céda dans un fracas, manquant de m’envoyer valdinguer dans mon évier.

A ce moment là, je sentis que le voisin était à deux doigts d’applaudir, mais je le soupçonne de fomenter un cambriolage, maintenant que ma fenêtre est branlante (car elle est branlante).

Après vérification de son fonctionnement, je récupérai mes clés, lui offrit un café et me rendit à la boulange armée de mes clés, avant de revenir enjouée vous conter tout ça.

Et le TOUT en moins d’une heure puisqu’à 10h00 j’étais sur mon lit, au téléphone avec ma sœur, évidemment, en train d’halluciner sur la force de la conviction, de l’esprit et de mon épaule gauche…

Totalement décadent.

Fanny Berrebi dite "Beber le monte en l'air" qui n’a pu être brève mais vous laisse apprécier la force du suspens haletant d’une histoire matinalement ébouriffante.

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